Ce besoin de faire des phrases

Ce besoin de faire des phrases

« C’est curieux chez les marins ce besoin de faire des phrases », s’interrogeait Francis Blanche dans « Les Tontons Flingueurs ».

Tout le monde connaît cette phrase culte (parmi tant d’autres) du célèbre film de Georges Lautner dialogué par Michel Audiard.

Laissons un instant les marins à leurs navires et considérons la dernière partie de cette réplique.

Ce besoin de faire des phrases

C’est indéniablement un besoin vital qui nous renvoie à une réalité trop souvent rencontrée, à savoir la difficulté de les faire, ces fameuses phrases. Nous sommes en permanence en situation de devoir parler pour informer, convaincre, expliquer, se justifier, interroger. Faire des phrases est notre lot quotidien. Pour certains c’est facile, pour d’autre c’est un calvaire.

Parce qu’il ne s’agit pas de dire n’importe quoi, l’environnement sanctionne parfois durement les mauvaises phrases, les phrases pauvres, vides de sens ou pire, les phrases fausses.

Le besoin de faire de belles phrases

L’éloquence est l’art de bien parler. Elle permet de s’affirmer en toutes circonstances. Ceux qui parlent bien sont écoutés, respectés, recherchés et parfois même on les croit, on suit leurs indications, bref « on achète ».

Inutile de se référer aux personnalités politiques. Nous avons tous des beaux parleurs autour de nous, au travail, dans les réunions de famille, au café.

Chez certaines personnes cette éloquence est un don naturel qu’elles pratiquent dès l’enfance et renforcent avec l’âge. Mais cela n’est pas réservé à une élite, tout le monde peut s’améliorer dans ce domaine à condition de le vouloir et de s’exercer.

Les anciens romains pratiquaient des exercices oratoires quotidiens en parlant à la mer ou en lisant des textes à haute voix. Il faut considérer l’éloquence comme une discipline sportive, pour atteindre un bon niveau et s’y maintenir on doit s’entraîner.

Il y a trois axes de travail possibles : la diction, la voix, les mots.

La diction

C’est ce qui assure la fluidité du discours, empêche de bégayer et d’avaler des mots. Les acteurs de théâtre en font constamment alors qu’ils parlent pourtant toute la journée. Dans le cadre de mon accompagnement, je propose des exercices de diction à faire pendant 5 à 10 minutes par jour. Et les résultats sont immédiats. La parole devient plus rapide et sans accroc, la langue se « délie ».

Cet entraînement suffit déjà à améliorer son discours. Et si jusque-là votre élocution était plutôt hésitante vous surprendrez votre auditoire en faisant de longues phrases sans fourcher une seule fois. De ce fait, la confiance revient et parler devient ce que cela doit être : un plaisir.

La voix

Comme pour l’éloquence une belle voix peut être un don naturel comme le résultat d’un travail. Si vous avez la possibilité de suivre des cours de théâtre ou de chant, n’hésitez pas une seconde. On vous apprendra à poser votre voix et à lui donner sa pleine puissance. Il existe des techniques respiratoires très simples qui permettent à l’acteur de se faire entendre du fond du théâtre alors qu’il donne l’impression de murmurer. Les salles de cours offrent également l’avantage de pouvoir « sortir » sa voix sans importuner ses voisins !

Il faut se dire que tant qu’on n’a pas essayé on ne connaît pas sa véritable voix. S’il vous est impossible de suivre des cours, vous pouvez néanmoins vous exercer en profitant de toutes les occasions pour augmenter le volume, mais sans jamais forcer sur les cordes vocales. L’objectif est de pouvoir se faire entendre distinctement d’un auditeur éloigné.

Les mots

Ils nous manquent parfois et l’on se retrouve en panne, on les cherche, on bafouille, les secondes s’écoulent et l’auditoire s’impatiente. Or mots et formulations existent à foison, personne ne les invente, ils s’apprennent comme tout le reste. Et les livres restent les meilleurs endroits où les trouver.

Je préconise pour part la lecture à voix haute des « beaux textes ». Ceux qui regorgent de formulations fleuries et qui se savourent comme des friandises. Dans ce registre vous trouverez par exemple : Les lettres de Madame de Sévigné, La sorcière de Jules Michelet, Le rouge et le noir de Stendhal et tant d’autres.

L’idée est de lire chez soi quelques pages par jour de ces livres en les déclamant à haute voix pour s’en approprier les mots et les belles formulations, les avoir « en bouche » comme on dit dans le milieu du théâtre.

On emmagasine de cette façon des « munitions » qui ressortiront d’elles-mêmes au gré des conversations et étonneront vos interlocuteurs.

Une dame étrangère ouvertement amoureuse de notre pays écrivait un jour que quand elle parlait le français elle « l’embrassait » ! La formule est très belle.

Sans être chauvins nous pouvons admettre que notre langue est riche et nous permet de faire des infinités de belles phrases. Alors ne boudons pas notre plaisir, utilisons toute l’étendue de notre vocabulaire.

Et la timidité ?

Elle est parfois due tout simplement à une succession d’échecs dans nos tentatives pour communiquer avec les autres. On finit par ne plus oser dire ce que l’on a sur le cœur et donc à se refermer sur soi-même. La pratique des exercices que je propose permet de renouer assez vite avec le succès et donc d’inverser peu à peu la tendance.

Mais le contenu ?

Il est vrai que l’on peut faire de belles phrases et ne rien dire, en tout cas rien d’utile ou d’original. Certes. Mais à quoi sert un contenu riche s’il est proposé de façon malhabile, d’une voix monocorde et dans une suite de mots embrouillés ?

Nos idées sont là, en nous, prêtes à sortir pour peu que la machinerie oratoire soit en ordre de marche. Et si nous n’avons vraiment rien d’original à dire alors profitons-en pour écouter à notre tour. Mais au moins, c’est nous qui l’aurons décidé, le silence ne nous sera imposé ni par le bagout d’un autre ni par la crainte de faire de mauvaises phrases.

Cher Francis

En fin de compte, cher Francis, nous pouvons dire que nous sommes tous des marins qui naviguons dans les eaux troubles de l’existence, et en tant que tels nous ressentons tous curieusement :

Ce besoin de faire des phrases !

Silvain Rossini

Bilan et projet de vie

www.bilanetprojet.com

Retour à l’accueil